Crise suicidaire : De quoi parle-t-on ?

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Crise suicidaire : De quoi parle-t-on ?

 

La crise suicidaire se définit  comme une crise psychique majeure au cours de laquelle un passage à l’acte suicidaire est élevé. Cette crise suicidaire est caractérisée par une insuffisance des moyens de défense de la personne, qui la place en souffrance aiguë et en rupture d’équilibre relationnelle avec elle-même et son environnement. Cette crise suicidaire
est réversible et temporaire ; elle dure de 6 à 8 semaines, mais en
sortir ne veut pas dire que le risque suicidaire s’annule. Ce qui
justifie une prise en charge ferme, rapide et de durée adaptée.

 

Crise suicidaire
Prévention

Comment se manifeste la crise suicidaire ?

 

Le
repérage de la crise suicidaire s’appuie sur différentes manifestations
: idées suicidaires clairement exprimées, divers symptômes physiques
comme une fatigue, de la tristesse, de l’anxiété, des pleurs, des
troubles du sommeil, une perte du goût des bonnes choses habituelles…
S’y
associent un sentiment d’inutilité, une mauvaise image de soi, des
ruminations mentales, des troubles de la mémoire, un isolement ou repli.

A un stade ultérieur, la crise suicidaire montre des
comportements inquiétants comme le désespoir, une souffrance psychique
intense, un goût morbide prononcé. Une accalmie suspecte, un
comportement de départ sont des signes
de très haut risque de passage à l’acte. Ils peuvent signifier le calme
de la décision prise et organisée qui soulage la tension mentale.

Ce
risque n’est pas toujours facile à évaluer tant sa symptomatologie
(l’ensemble des symptômes) est fonction de la personnalité du sujet, des
pathologies associées et des conditions d’observation. Dans le doute,
il faut toujours demander un consultation ciblée au médecin traitant, ou
à un spécialiste neuropsychiatre.

 

Avec quoi ne faut-il pas confondre une crise suicidaire ?

 

La crise suicidaire se confond parfois avec une dépression sévère dont les symptômes sont proches. La maladie psychiatrique appelée mélancolie s’exprime par des signes
dépressifs très sévères et un risque de passage à l’acte suicidaire
très élevé. Enfin les troubles bipolaires, lors de la phase dépressive,
comportent aussi un risque élevé de passage à l’acte suicidaire.

Quels sont les risques et les enjeux sanitaires de la crise suicidaire ?

 

Le principal risque d’une crise suicidaire
est par définition le passage à l’acte réussi, donc le décès. Le
suicide est la première cause de décès chez l’homme de 25-44 ans. Il
s’agit également de la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans.
Si les suicides de jeunes ont presque diminué de moitié entre 1993 et
2005, il reste cependant beaucoup de progrès à accomplir, d’après le
Plan national d’actions contre le suicide (PNAS- 2011-2014). La mortalité par suicide
reste très élevée en détention. Les détenus se suicident 6 fois plus
que les hommes libres âgés de 15 à 59 ans. Après une baisse au début de
la décennie, le nombre de décès par suicide tend à augmenter (109 en
2008 à 115 en 2009) toujours selon le PNAS- 2011-2014. Ce plan donne les
informations les plus actuelles sur ce sujet.

 

En France,
chaque année, plus de 10 000 personnes décèdent par suicide, soit
environ 16 personnes sur 100 000, la France est en Europe parmi les pays
à taux de mortalité élevé. Si le nombre de décès par suicide est connu
grâce au CepiDC de l’Inserm avec toutefois une imprécision due à la
sous-déclaration estimée à 20%, il n’en est pas de même des tentatives
de suicide (TS). En effet, le nombre de tentatives de suicide fait
encore l’objet d’estimations peu précises. En 2006, la Drees estime à
environ 195 000 TS donnant lieu à un contact avec le système de soin
chaque année. Par ailleurs, 10 660 décès ont été répertoriés dont 7.940
pour les hommes et 2.720 pour les femmes. Ces chiffres sont sans doute
sous-évalués du fait du silence qui entoure ces drames, de 10 à 20% ce
qui porterait le nombre effectif de suicides annuels jusqu’à 13.000.

 

Certaines tentatives de suicide
liées aux blessures par armes à feu ne sont pas toujours recensées
comme tentatives de suicide. Leur dépistage revêt une importance
considérable puisque la tentative de suicide (TS) est le plus important
des facteurs de risque de suicide connus. On estime le taux de mortalité
des suicidants à 10 à 15 % ; près de la moitié des suicidés ont fait
une ou plusieurs TS avant leur décès (Programme national d’actions
contre le suicide 2011-2014).

 

Quels sont les mécanismes de la crise suicidaire ?

 

Les caractéristiques des personnes ayant eu des pensées suicidaires
ou fait une ou des tentatives de suicide sont surtout connues par des
enquêtes déclaratives en population générale, par exemple le Baromètre
santé de l’INPES. Toutefois le profil génétique
est un facteur important. Dans une étude de Kohli et coll. (Archives of
general psychiatry, 2010) trois mini-variations (sans mutation vraie)
du gène
du récepteur au facteur neurotrophe cérébral (BDNF) influent
profondément sur le risque suicidaire au cours de la vie. Les personnes
cumulant trois variations particulières de ce gène du récepteur ont 4,5 fois plus de risque de faire une tentative de suicide. Parce qu’ils sont moins sensibles aux molécules de restauration neuronale après agression : ils « cicatrisent » moins bien.

 

Les
troubles psychiques observés à l’âge de 8 ans ne prédisent pas le
risque de suicide ultérieur (l’adolescence) dans une vaste étude
finnoise ( Sourander et coll. Finnish birth 1981 cohorte Study, Archives
of general psychiatry, 2009) du moins chez les filles. Le surrisque
observé de TS chez les garçons dépend des troubles psychopathologiques
en général et des conduites à risques, pas des signes
dépressifs en soi. Ce qui conforte l’importance d’un dépistage précoce
du mal-être pour une prise en charge efficace et durable.

La crise
suicidaire est caractérisée par trois critères : le sentiment d’échec
total de sa vie, l’impossibilité d’échapper à cette impasse sauf par la
mort, et une capacité d’agir préservée (activisme sous pression –
impulsivité).

 

Les idées suicidaires envahissent progressivement l’individu jusqu’à éventuel passage à l’acte. Attention, le suicide
est un mode de sortie de cette crise parmi d’autres : dans le pire des
cas, le suicidant sacrifie ses proches avec lui. Il peut choisir une addiction
intoxication aiguë, ou une mort plus symbolique. Au mieux, il recherche
des aides médicales et affectives, des conditions heureuses pour
récupérer un élan vital soutenu. Il est fréquent que le suicidaire ait demandé de l’aide, clairement mais en quelques mots seulement, quelques jours avant son acte.

Crise suicidaire
Préparer sa consultation

A quel moment consulter ?

 

Très
vite et au moindre doute ! Le repérage de l’état de crise suicidaire et
sa prise en charge psychologique précoce et urgente est le meilleur
moyen d’éviter le passage à l’acte.
Dans un contexte de
vulnérabilité comme un alcoolisme, une toxicomanie, des antécédents
familiaux de suicide, des évènements de vie douloureux comme un deuil
récent, un échec personnel, il est préférable de consulter car ces
facteurs dramatiques précipitent la crise suicidaire si elle est en
gestation mentale, et le probable passage à l’acte.
Enfin un
changement brutal par rapport au comportement habituel doit alerter
l’entourage et faire consulter. En sachant insister et en montrant par
là l’affection et l’intérêt qu’on porte à son proche.

 

Comment préparer la consultation avec le médecin ?

 

Il
faut noter le plus précisément possible le contexte de la crise
suicidaire, les symptômes d’alerte, les antécédents personnels et
familiaux, la biographie avec les évènements de vie douloureux. Un
membre de l’entourage peut accompagner le sujet souffrant (qui apprécie
plus souvent cette sollicitude qu’on ne l’imagine) en consultant, mais
celle-ci doit se faire seule avec le médecin si le patient ou
l’accompagnant le désirent.

 

Que fait le médecin ?

 

Il
interroge le patient (et l’accompagnant éventuel) pour comprendre le
contexte et évaluer le risque suicidaire. L’examen du patient permet
d’éliminer une cause organique manifeste (douleur chronique, pathologie cérébrale sous-jacente, trouble métabolique). Il demande éventuellement un bilan biologique (prise de sang).
S’il
s’agit effectivement d’une crise suicidaire, l’hospitalisation
spécialisée est préférable pour l’instauration d’un traitement
médicamenteux et psychothérapique énergique et adapté.
Après la
crise, une ou des interventions psychothérapiques sont possibles après
la consultation ou l’hospitalisation ainsi que la prescription
médicamenteuse nécessaire (anxiété, insomnie, et/ou la dépression).

 

Y a-t-il une prévention possible ?

 

La
seule prévention possible du désir d’en finir avec la vie est d’éviter
de se la rendre infernale ! Eviter d’accumuler les problèmes, demander
de l’aide à son entourage ou à un psychothérapeute avant de se retrouver
dans une impasse.
La dépression chronique
doit être dépistée et traiter précocement. Enfin l’entourage familial
et/ou amical solidaires est un facteur protecteur incontestable. Le
sentiment d’être compris et reconnu dans sa douleur réduit l’ampleur de
la crise suicidaire mais ne l’annule pas. Ce qui ne change donc pas la
nécessité d’une prise en charge médicale du problème.

CATEGORIE : pathologies-et-symptomes

TAG : suicide, mort, crise, suicidaire