Le goût, une question d’éducation

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Le goût, une question d’éducation

Face à l’alarmante pandémie d’obésité
infantile en France, les chercheurs de l’INRA avancent l’éducation
sensorielle comme piste de réflexion. L’éducation du goût des enfants,
en affinant leur perception sensorielle, en nommant mieux leur
sensations et en enrichissant leur répertoire alimentaire pourrait
modifier efficacement le comportement alimentaire. Piloté par des
chercheurs en analyse sensorielle de l’INRA, le projet EduSens a permis
de tester une éducation sensorielle du type « Classes du goût » sur les
préférences et les comportements alimentaires d’enfants âgés de 8 à 10
ans.

 

Classes, Restos et Familles du goût

Structuré
en trois expériences, le projet EduSens conduit par des chercheurs de
l’INRA entre 2006 et 2009 a permis de tester successivement l’effet
d’une éducation sensorielle dispensée en classe, au restaurant scolaire
et enfin au laboratoire, à des couples constitués d’un enfant et d’au
moins un de ses parents.

Chaque expérience incluait un groupe
expérimental (recevant l’éducation sensorielle) et un groupe contrôle,
chacun composé d’une centaine d’enfants de 8 à 10 ans. Des tests
sensoriels ont été réalisés avant et après la période d’éducation au
goût (d’une durée de 6 mois en général), puis 9 mois plus tard afin
d’évaluer la persistance et/ou l’évolution des effets observés. Les tests
sensoriels mesuraient la capacité à catégoriser et à décrire les
sensations perçues en mangeant ; ils évaluaient également les
modifications des préférences et des choix des enfants.

Ces tests
ont été complétés par des mesures attitudinales et comportementales
visant à évaluer l’évolution des croyances et des comportements
alimentaires des enfants due à l’éducation sensorielle. Enfin,
l’évolution de l’ambiance au sein de la classe et de la famille a été
observée pour mettre en évidence le pouvoir socialisant de l’éducation
sensorielle.

 

L’éducation du goût modifie les comportements

 

1-
Le projet montre l’efficacité de l’éducation sensorielle pour réduire
la néophobie alimentaire – la peur de consommer un aliment inconnu – et
ce, davantage chez les enfants de 7 à 9 ans que chez les enfants de 9 à
11 ans. Elle semble d’autant plus efficace que son contexte
d’application est formel et théorique (meilleurs résultats obtenus pour
une éducation sensorielle en classe scolaire, puis en famille, puis en
restaurant scolaire). En outre, la persistance de cette efficacité est
compromise lorsque la période d’éducation est ponctuelle.

Face
à de tels résultats, les chercheurs INRA recommandent d’initier
l’éducation sensorielle à l’école, le plus tôt possible et en la
maintenant le plus longtemps possible (idéalement, de l’entrée en
maternelle à la sortie du primaire).

 

2- Le projet a
clairement établi un effet de l’éducation sensorielle dispensée par les «
Classes et les Familles du Goût » sur la capacité des enfants à décrire
objectivement le goût des aliments. Ce gain en capacités descriptives
semble conservé après la période d’éducation, sans pour autant continuer
à croître. Donner du vocabulaire sensoriel à l’enfant est bénéfique
dans le sens où celui-ci pourra verbaliser sa perception de manière plus
subtile que par la seule évaluation hédonique (liée au plaisir).
L’école apparaît comme le lieu incontournable pour proposer et
familiariser l’enfant avec le vocabulaire de la dégustation.

 

3-
EduSens n’a pas démontré clairement l’efficacité de l’éducation
sensorielle pour faire évoluer les préférences des enfants vers des
aliments de plus grande complexité aromatique. En revanche, il aura
souligné celle de l’exposition sensorielle. Le défi est donc de faire
goûter aux enfants des aliments plus complexes par rapport à leurs
préférences actuelles.

 

4- Le troisième dispositif
pédagogique, les « Familles du goût », apporte, selon le jugement des
parents, des modifications beaucoup plus profondes du comportement de
l’enfant : une plus grande sensibilisation et une plus grande ouverture
vis-à-vis des produits alimentaires, de leur goût et de la manière de
les cuisiner. Le relais par les parents de l’éducation sensorielle est
particulièrement puissant lorsqu’il s’appuie sur des activités
culinaires réalisées avec et par les enfants à la maison.

 

Et après ?

L’ensemble
de ces résultats est précieux pour l’élaboration d’une méthode
intégrant les trois lieux possibles de l’éducation du goût : la classe,
le restaurant scolaire et le foyer familial. D’ores et déjà, la
publication du manuel « Les Restos du Goût »* permet à toute structure
collective accueillant des enfants pour le déjeuner d’organiser des
séances d’éducation au goût.
Par ailleurs, suite au projet EduSens,
l’association Eveil’Ô’Goût a vu le jour à Dijon afin de promouvoir les
actions d’éducation sensorielle en Bourgogne. Parmi celles-ci, la
valorisation de la méthode des « Familles du Goût » sous la forme d’un
site internet interactif est à l’étude.

D’un point de vue
plus fondamental, puisque le projet EduSens a suggéré que l’éducation
sensorielle devrait être initiée plus tôt, un nouveau programme de
recherche visant les enfants de 4 à 6 ans vient d’être conçu par l’INRA
de Dijon en collaboration avec des psychologues du Laboratoire d’Etude
des Apprentissages et du Développement (CNRS-Université de Bourgogne).

 

Ce
projet bâtira un programme d’éducation au goût adapté aux enfants de 4 à
6 ans et évaluera ses effets sur les comportements alimentaires, mais
aussi sur les représentations liées à l’alimentation des enfants de cet
âge. Dans ce projet, les effets d’une éducation au goût seront comparés à
ceux d’une éducation musicale en terme de développement des capacités
psychiques et psycho-sensorielles des enfants. L’enjeu est ici de
démontrer la complémentarité de ces deux éducations et la richesse de
leurs apports respectifs dans l’éducation, au sens large, des enfants.

CATEGORIE : mangez-mieux