La contrefaçon : de quoi s’agit-il ?

La contrefaçon : de quoi s’agit-il ?

 

Estimé à 45 milliards de dollars par an, le marché de la contrefaçon est passé d’une dimension quasi artisanale à une dimension industrielle. Ses réseaux désormais mondialisés fabriquent principalement en Chine et en Inde, pour écouler l’essentiel de leurs stocks dans les pays du Sud. Parmi ces médicaments contrefaits, on retrouve des comprimés contenant le bon principe actif mais au mauvais dosage, de simples placebos, mais aussi des substances toxiques. Pour pallier un désastre sanitaire et endiguer les pertes financières, les laboratoires réagissent en attirant l’attention du législateur et par une meilleure traçabilité des médicaments.

 

Les dangers de la contrefaçon


« 95 % de la valeur d’un médicament rémunèrent la matière grise qui a permis son élaboration
». Pour Jean-François Dehecq, le président de Sanofi Aventis, troisième
groupe pharmaceutique mondial et premier européen, il n’y a rien
d’étonnant à ce que l’industrie de la contrefaçon soit « aussi lucrative
qu’organisée ». La contrefaçon médicamenteuse représente une mine d’or
pour les faussaires qui pillent le savoir-faire des laboratoires, créant aussi bien de vulgaires placebos que de laborieuses copies, aussi approximatives que potentiellement dangereuses. D’autres renferment un principe actif qui n’a aucun rapport avec l’original. Au mieux, l’utilisation régulière de médicaments de qualité inférieure ou contrefaits entraîne un échec thérapeutique ou favorise l’apparition d’une résistance. Au pire, elle cause la mort.
Car les contrefacteurs n’hésitent pas à recourir à des principes actifs
différents de ceux utilisés par le médicament copié, quand il ne s’agit
tout simplement pas de produits toxiques comme de l’antigel (cf Note 2 en bas de page 2). Certains médicaments contiennent enfin le bon principe actif au mauvais dosage.

 

+ 384 % de médicaments contrefaits saisis en Europe

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la contrefaçon représentait en valeur 6 % du marché pharmaceutique mondial de médicaments en 2006, soit environ 45 milliards d’euros. La FDA (Food and Drug Administration, l’autorité sanitaire américaine) est quant à elle plus pessimiste et estime que celle-ci dépasse les 10 %. Mais les pays du globe sont inégaux devant le phénomène. Les pays du sud, qui appliquent avec moins de rigueur les réglementations pharmaceutiques, sont bien entendu les premières victimes. Selon IMPACT, le groupe de travail créé par l’OMS en 2006, jusqu’à 30 % des médicaments disponibles dans certains pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine peuvent être des contrefaçons. Aux États-Unis comme en Europe, la proportion est de moins de 1 %.
Pourtant, les statistiques réalisées par les autorités douanières de
l’Union font état de fortes saisies de médicaments contrefaits aux
frontières européennes, avec un total de 2,7 millions de produits pharmaceutiques en 2006, soit une augmentation de 384 % par rapport à 2005. En 2007, ce sont à nouveau plus de 4 millions d’unités qui ont été saisies.
Les pays développés constituent ainsi
une cible pour les trafiquants qui s’intéressent de plus en plus aux
traitements pharmaceutiques à très forte valeur ajoutée destinés aux
pathologies lourdes
(anticancéreux, maladies cardiaques, troubles psychologiques, infections). Jusqu’alors, la contrefaçon touchait davantage des traitements dits de confort comme, par exemple, les médicaments contre les dysfonctions érectiles.

 

Les raisons de l’inflation

Deux facteurs expliquent cette accélération du phénomène en Europe. Tout d’abord, il s’agit de la libre circulation des médicaments à l’intérieur des frontières de l’UE, mais aussi de la vente sur Internet, qui profite également des différences de prix entre les différents pays membres de l’Union. À ce sujet, l’OMS estime que 50 % des médicaments vendus sur le web sont contrefaits. En France, le phénomène est heureusement réduit, car le réseau de distribution des médicaments est verrouillé et il existe seulement quelques distributeurs pour approvisionner toutes les pharmacies de l’Hexagone. Contrairement à l’Allemagne ou à l’Angleterre, les autorités de santé françaises interdisent aux pharmacies de délivrer des médicaments par le biais d’un site Internet.

La contrefaçon
Eléments pratiques

Laboratoires clandestins chinois

« Longtemps,
nous avons sous-estimé le phénomène de contrefaçon du médicament, qui,
d’une production marginale, s’est aujourd’hui complètement
industrialisée
», poursuit Jean-François Dehecq. « La majorité des médicaments contrefaits vient de Chine, peut-être 50 % à 60 %
», avance Jacques Franquet, ancien directeur de la police judiciaire et
préfet, aujourd’hui responsable de la sûreté du laboratoire. L’Inde se trouve en deuxième position. Pour remonter les réseaux et démanteler les filières, Sanofi-Aventis a inauguré début septembre le premier laboratoire anticontrefaçon à Tours, sur l’un de ses sites de production. « Les échantillons de produits Sanofi nous viennent du monde entier
», précise Nathalie Tallet, sa responsable. L’examen visuel des
échantillons, puis celui de la composition exacte des produits
permettent la mise en évidence des infractions, « première étape avant de constituer un dossier contre les contrefacteurs et de saisir la justice du pays concerné », souligne Jacques Franquet.

 

Vers une législation européenne ?

« On ne meurt pas de porter des faux sacs à main ou T-shirts. En revanche, les contrefaçons de médicaments peuvent tuer », rappelle Howard Zucker, sous-directeur général de l’OMS.

Le
gouvernement français a décidé de se saisir du problème en votant, en
octobre 2007, une loi plus sévère pour prévenir toute accélération du
phénomène. La contrefaçon de médicaments entraîne enfin des peines plus lourdes que celle de produits alimentaires ou encore de textiles.
Pour Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du Commerce, de
l’Artisanat, des Petites et Moyennes Entreprises, du Tourisme et des
Services, plusieurs raisons motivent une telle loi. « Les médicaments
contrefaits présentent naturellement un risque sanitaire. Par ailleurs, cette pratique attaque directement le droit de propriété intellectuelle et donc la capacité d’innovation des laboratoires, mettant ainsi en péril la croissance industrielle de la France ainsi que l’emploi. L’innovation est en effet un levier de croissance économique indispensable ». Pour exemple, Jean-François Dehecq affirme ainsi que la contrefaçon a un impact négatif d’environ 2 % à 3 % sur le chiffre d’affaires de Sanofi Aventis. Avec l’accession de la France à la présidence européenne, Hervé Novelli déclare vouloir « réaliser
une meilleure coordination et connaissance du phénomène et rejoindre
d’autres initiatives internationales, telle que celle conclue par les
États-Unis et le Japon
». Et ce afin de démanteler des réseaux désormais internationaux.

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